DU COEUR DE LA MATIÈRE À LA LUMIÈRE DU COEUR

Une énergie lumineuse traverse et nourrit l’œuvre, son auteur et notre regard…

Chantal Royant accueille la création, elle se met en état de disponibilité et reçoit, transforme, expérimente. Elle explore inlassablement et joyeusement tous les possibles. Elle crée comme elle vit, sans séparation apparente. Ses sources d’inspirations semblent infinies et permanentes, tout la ramène à l’acte créatif, l’Autre, une lumière, une œuvre, une émotion, un regard, une promesse de beauté… Sa soif de rencontre est inextinguible, son voyage est d’abord intérieur. De la rencontre à la fusion, elle avance dans la lignée des alchimistes, sans limites autres que celles d’une technique pourtant maîtrisée, limites qu’elle contourne par une démarche vivante et curieuse, où la matière a sa propre vie, sa part, sa vraie place. L’accompagnement du hasard et la curiosité en leitmotiv. Elle avance en conscience de la grande richesse inhérente à la vie, à sa quête, à ses sources et ses réalisations.

Nourrie de son enfance bretonne, d’une mémoire du chaos granitique, de pluie géologique, de masses sensuelles et prégnantes, de paradoxes entre solidité des rocs et fluidité des masses rondes, elle jongle avec une sensorialité attentive et une grande liberté dans cet espace délicat, fait de dualités, d’oppositions et de confrontations.

Du chaos à la forme, du désordre à l’ordre, Chantal accompagne la matière plus qu’elle ne la dompte. “La matière m’embarque… ”. Elle évoque le hasard, l’expérimentation, se confronte aux philosophies taoïstes et approche au quotidien ce concept si fondamental de la vacuité fertile, attentive à ce qui naît sous ses mains. Humilité du créateur conscient qu’il accueille et transmet quelque chose de plus grand que lui.

De la gravitation à la suspension, équilibriste de la matière, ses œuvres ont une présence formelle et grouillent de vie. Effervescence des bulles d’air au cœur de la transparence, trames de fils de verre dans un tissage improbable à la présence soyeuse et fluide, traces organiques, on flotte entre abysses et cosmos, s’évade dans l’infinitude de nos sensations. Couleurs intenses ou transparence, lumière et espace suspendu. Petit présage de l’infini.

De la matité à la transparence d’une matière à la fois inerte et vivante, ses œuvres sont le reflet de sa quête permanente de la lumière au cœur de la masse minérale, “dans un mouvement arrêté pour fixer l’infinitude”, figé dans son propre élan. Elle traverse la matière pour lui donner vie et vibration.

Dualités et contradictions sont au cœur de sa démarche, de sa pensée, de la vie-même. Son champ de création évoque le chemin joyeux et sensible, que pourrait, que devrait être toute vie simplement à l’écoute du subtil, de l’indicible, de l’invisible. Elle vit le verre comme une matière précieuse, la ressent et la transmet dans toute sa dimension cosmique, évoque le diamant, et le temps à l’échelle biologique explore l’intime pour aboutir au cosmos, aux abysses.

Telle un passeur, elle reçoit et transmet les clefs d’un savoir qu’elle ignore détenir. La rencontre avec la matière l’amène à approcher la connaissance universelle, par sa quête intime elle rejoint le Tout. Philosophies, sciences, physique, chimie, elle lit, étudie, évoque Deleuze, s’irrigue et restitue ces richesses dans un processus créatif ouvert et patient. Pas d’urgence mais la sérénité de ceux qui recherchent la justesse.

La création est son chemin.

Edith Herlemont-Lassiat   2005

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